Se pencher sur l’intérêt de manger sainement ouvre la voie à une multitude de prises de conscience qui imposent en retour une exigence de cohérence toujours plus poussée. Nous ne saurions effectivement vivre de façon saine et équilibrée dans un monde insalubre et destructuré. C’est pourtant ce qui se dessine obligeant l’individu à s’éloigner de plus en plus de son environnement naturel en glissant vers une sur-adaptation toujours plus intense. Force est de constater qu’une part importante des populations des sociétés dites civilisées vit désormais hors sol, connectée à la technologie froide et impersonnelle des réseaux, mais totalement déconnectée des forces de vie. La stérilité guette le monde, celui des idées autant que celui des productions car le seul regard porté sur le vivant est celui de l’exploitation, du rendement, du strictement fonctionnel…
Implantée sur 5 hectares attenants, la ferme devenue lieu d’accueil ne saurait s’enfermer dans un parc d’agrément. Très vite, il nous est apparu que ces terres constituaient une chance et même une richesse – quand bien même elles sont qualifiées de pauvres ! L’idée de leur redonner leur vocation agricole s’est imposée comme une évidence, à condition que la façon de le faire fasse sens. Cinq hectares, c’est beaucoup et c’est peu, mais cela a été suffisant pour de nombreuses familles à l’époque, pas si lointaine, où la France était foncièrement rurale. L’intention est donc de retrouver l’esprit d’une ferme avec culture et petit élevage, dans la lignée de ce que Rudolf Steiner nomme l’organisme agricole où les règnes se complètent et collaborent au service de la manifestation de la vie, sans oublier l’approche permaculturelle fondée sur l’observation et l’économie de moyens.
La dimension agricole se veut l’écho de la démarche mise en œuvre pour la table, soit la volonté de produire sainement certes, mais surtout d’expérimenter des modes et techniques de production, aptes à stimuler les forces de régénération du vivant en créant des dynamiques de complémentarité et coopération entre les acteurs. Observations, tests, adaptation et conservations d’espèces devraient être à l’ordre du jour afin de disposer d’un support d’échanges.
Au fil de notre longue réflexion, la notion de soin a émergé car si l’assiette entend sensibiliser au soin de soi, la dimension agricole évoque le soin à la terre, aux plantes et aux animaux. Entre les deux, il y a l’habitat, cette sur-peau expression de qui nous sommes et de la façon dont nous nous inscrivons dans le monde. Plus encore, à l’instar du jardin, notre habitat reflète la façon dont nous concevons le monde puisqu’il est un univers en soi, le nôtre. Soigner l’habitat peut aussi permettre de soigner l’individu.